Certains enfants maîtrisent bien la technique de lecture mais sont en échec parce qu’ils appréhendent mal le sens de ce qu’ils lisent. Pourquoi ? Comment les aider ?
Hormis les difficultés de décodage (soit la capacité de mettre en lien phonèmes et graphèmes et d’en comprendre la combinatoire syllabique), d’autres écueils peuvent conduire les jeunes à l’échec scolaire liés à des problèmes de bonne compréhension des textes ou consignes proposés.
Que signifie comprendre un texte ?
On comprend les mots et phrases quand on leur donne du sens au cours d’une évocation mentale qui peut se réaliser de différentes façons. Si je vois le mot « chien », je peux voir intérieurement une image de chien ou penser à des noms de races de chien. Si je vois la phrase « le prix du pétrole flambe », je peux voir une pompe à essence ou me dire « il faudra faire des économies d’essence »…plusieurs types d’évocation possibles donc.
Face à un texte plus élaboré, outre par les différentes évocations successives, la compréhension se manifeste par une capacité à mettre en lien les informations données : je comprends à la ligne 10 pourquoi tel personnage du récit a dit « non » à la ligne 3…une nécessité de garder en mémoire donc.
Qu’est-ce-qui empêche la compréhension ?
La compréhension des mots écrits n’est pas automatique. Si vous ne connaissez pas un mot à l’oral, le simple fait de le lire et de le prononcer ne vous en donne pas le sens. On considère que si le texte comporte plus de 20% d’éléments inconnus, le lecteur ne peut rien en comprendre. En deça, il en comprendra le sens globalement avec d’autant plus de précision que le pourcentage d’inconnu sera limité.
Une des difficultés possibles de compréhension renvoie donc à la compétence orale.
Comment l’enfant assimile-t-il du lexique ou des structures inconnus à l’oral ?
Généralement, on parle de façon adaptée en fonction de l’âge de l’enfant. Face à un petit, le propos évoque des objets, des personnes ou des actions que l’on peut appréhender dans l’instant. Si la situation a du sens pour l’enfant, les mots associés, qui seront répétés dans d’autres situations identiques, seront progressivement mis en lien et mémorisés. Peu à peu se créent ainsi des représentations ou images mentales des mots. Le mot (signe) permet ensuite d’évoquer spontanément ce qu’il représente (signifié) en son absence. L’enfant commence à comprendre la langue.
Un peu plus tard, confronté à des mots inconnus ou des formes syntaxiques plus complexes, il procèdera de la même façon : en s’aidant du contexte (parfois la situation vécue et de plus en plus le reste des mots de la phrase), en élaborant des hypothèses de sens par déduction. La rencontre de ces mots nouveaux dans d’autres contextes lui permettra d’ajuster, de préciser sa compréhension et d’éliminer les éventuels contre sens. Exemple : « J’ai perdu ma ? et je ne peux pas fermer la porte pourtant elle était accrochée avec la ? de la boîte aux lettres » peut orienter l’enfant vers l’évocation de la clef ; pourvu qu’il la retrouve lui même…et le mot sera mémorisé aussitôt !
Parallèlement, l’usage de la langue parlée favorise cette construction mentale. L’enfant réutilise les mots entendus ; les erreurs seront corrigées par les adultes qui répondent. Exemple : « J’ai réussi à couper la viande avec les ciseaux » obtiendra probablement en retour : » bien, mais c’est sûrement avec un couteau ; les ciseaux, c’est pour découper le papier ».
Quelles différences avec la compréhension de l’écrit ?
- Face à l’inconnu, l’enfant peut s’appuyer sur les mêmes compétences de déduction qu’à l’oral, pour « deviner » le sens du mot écrit, en fonction du contexte. Ce n’est possible que si le texte ne comporte pas trop d’inconnu. Un décalage trop important entre le niveau de langue de l’enfant et le niveau linguistique du texte explique souvent les difficultés rencontrées.
- Mais la langue écrite utilise des procédures différentes de celles de la langue orale : phrases plus longues, plus complexes, lexique plus riche et varié…le passé simple est redoutable de ce point de vue ! S’approprier ce type de langue peut être difficile pour certains enfants : ceux qui n’entendent guère de conversations élaborées entre adultes, ceux à qui on ne fait pas « la lecture »…ou ceux qui n’ y sont pas attentifs.
- Enfin, le texte écrit n’est pas interactif : en cas d’incompréhension ou de contre sens, l’interlocuteur peut modifier ou expliquer son propos. Seul face au livre, l’enfant est démuni.
Existe-t-il des solutions à ce problème ?
Il convient de s’assurer que le problème de compréhension ne relève pas d’une pathologie spécifique. Si le trouble semble important (si par exemple, le jeune lecteur est dans l’incapacité de comprendre un énoncé assez court et assez simple correspondant à son niveau de langue), il est souhaitable de consulter un professionnel, orthophoniste par exemple.
Si la difficulté est moindre, s’assurer au préalable que le niveau de texte à lire n’est pas trop complexe pour l’enfant : lui proposer en ce cas des livres plus simples. En fonction de son âge et de ses intérêts, on peut avoir recours aux livres écrits en français pour des « grands débutants » de langue étrangère.
Voici quelques autres idées…
- Lire pour l’enfant
Commencer par des textes illustrés plus motivants et plus simples. Faire des pauses pour apporter des commentaires personnels : « Je me demande si…je crois que…ça me fait penser à… ». Reformuler plus simplement quelques phrases complexes. Faire participer l’enfant : « crois tu que… sais tu si… tu ne trouves pas que…? ». Ces moments ne doivent pas être l’occasion d’évaluer sans cesse sa compréhension ; évitez les « tu as compris ce mot ? qu’est ce que ça veut dire ? ». Il ne s’agit pas non plus d’expliquer tous les mots. Si l’enfant pose une question sur le sens d’un mot, avant d’apporter de l’aide, optez plutôt pour une formule du type : « à ton avis ? qu’est ce que ça peut être? est ce que ça peut être telle ou telle chose ? » ; vous l’inciterez ainsi à faire des hypothèses et des déductions.
- Proposer des guides de lecture
En marge d’un texte à lire, on peut noter des informations utiles pour découvrir le sens de mots nouveaux ou de structures complexes : définitions, illustrations, phrases exemples permettant une déduction contextuelle. Ainsi, si l’enfant ignore le mot « pâtisserie », une phrase peut le mettre sur la voie, telle que « à la boulangerie, on achète du pain, des bonbons et des pâtisseries au chocolat ou aux fruits ».
- Utiliser la communication écrite
Il s’agit de mettre l’enfant en situation de lecture/expression écrite selon les mêmes procédures que dans une situation de communication interactive orale : l’un écrit, l’autre répond. L’adulte par exemple commence à écrire sur un sujet donné (récit rapide d’un évènement) et termine son propos par une question écrite à l’enfant qui doit répondre de la même façon. La réponse écrite à l’enfant permettra, comme dans une conversation orale, de corriger et d’enrichir son propos. Une manière amusante de progresser sur le papier…
- Entraîner sa mémoire
En lui proposant de répéter des phrases de plus en plus longues ou complexes, voire des mots très compliqués. Ce sera d’autant plus efficace que ce sera fait dans le plaisir du jeu…comptez les points !
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