Panorama du médecin : Pourquoi est-il si difficile d’arrêter de fumer ?
Dr Anne Borgne : La principale raison est la dépendance à la nicotine. En cas d’arrêt sans aide et sans traitement, cette dépendance entraîne un manque qui peut être véritablement très douloureux, avec des envies de fumer compulsives, incontrôlables, des troubles de l’humeur, une irritabilité, une agitation, des troubles de la mémoire, de la concentration, qui peuvent entraîner des difficultés dans le travail, des troubles du sommeil. Au bout de deux jours généralement, les personnes craquent. D’ailleurs, beaucoup de fumeurs n’arrivent pas à prendre la décision d’arrêter de fumer parce qu’ils ont peur de ces symptômes de manque, dont ils ont entendu parler ou qu’ils ont déjà eux-mêmes expérimentés.
La deuxième raison est que pour arrêter de fumer il faut en avoir vraiment pris la décision. Or, dans l’esprit de certains les avantages de la cigarette dépassent encore ses inconvénients, car fumer procure du plaisir et ils n’ont pas encore mesuré les conséquences négatives du tabagisme, les risques pour la santé. Tout cela se construit avec le temps. Le fumeur va prendre conscience qu’il a plus d’inconvénients que d’avantages à fumer et que le besoin de fumer entraîne aussi des désagréments. Par exemple pendant une soirée où personne ne fume, sa dépendance peut le contraindre à sortir pour fumer. Cette sensation de perte de liberté augmente avec le temps et, finalement, le fumeur se rend compte que sur les 20 cigarettes qu’il fume quotidiennement, il n’y en a que 3 qui sont vraiment un plaisir, les 17 autres sont fumées par obligation ; ils les fument contre sa volonté.
Enfin, il y a tous les inconvénients de l’arrêt du tabac, avec la survenue de troubles dépressifs, avec la perte de tout désir, qui, au fil du temps, peut devenir une vraie dépression, si rien n’est fait et la prise de poids, très fréquente, qui est une grande difficulté de l’arrêt. |
Y a-t-il des critères qui permettent de penser que l’arrêt sera plus difficile ?
Oui. Surtout la présence d’une dépendance. Celle-ci peut être mesurée par un test simple, le test de Fagerström. Il en existe une version courte avec deux questions. Il est facile pour un fumeur de savoir s’il a une dépendance nulle, moyenne ou forte en répondant à ces deux questions: combien de cigarettes je fume par jour ? Dans quel délai après le réveil je fume ma première cigarette ? Mais ce test n’est pas valable pour l’adolescent, qui peut être dépendant en fumant peu de cigarettes, car il est souvent contraint à fumer moins qu’il n’en a envie. Pour lui, le signe d’une dépendance sera plutôt l’envie de fumer tôt le matin. |