Psychologie

Résurgences et mémoire, le sens du passé

Résurgences et mémoire, le sens du passé
Dans «Un Souvenir d’enfance», Sigmund Freud, citant «Poésie et Vérité» de Goethe, indique l’un des obstacles associé à la recherche des souvenirs de jeunesse.

Le père de la psychanalyse souligne que «quand on cherche à se rappeler ce qui nous est arrivé dans la toute première enfance, on est souvent amené à confondre ce que d’autres nous ont raconté avec ce que nous possédons réellement de par notre propre expérience». L’approche psychanalytique enseigne, toujours selon lui, qu’il faut distinguer nettement «l’oubli passif». À savoir, l’effacement du souvenir, considéré comme une défaillance sans signifiant de la mémoire et le dissocier de «l’oubli actif», le refoulement volontaire du souvenir. Une mise à l’écart du conscient, ou plus distinctement encore, le repli dans l’inconscient de souvenirs liés à des traumatismes.

De la nausée au délicieux vertige, l’odorat, sens de la nostalgie

Résurgences et mémoire, le sens du passé
Résurgences et mémoire, le sens du passé

Comment solliciter et rallier à soi cette conscience du passé, en cas de panne d’inspiration? Si on rencontre des accrocs dans la perception, la bonne idée est de convoquez d’abord l’odorat.

Très peu de nos semblables résistent au souvenir d’effluves disparus, surtout lorsqu’ils penchent vers l’Hédonisme (à ne pas confondre avec les épicuriens surtout). Que ces effluves soient marqués par le ravissement ou moins, car inviter l’idée de fragrances plus intimes, sueur, urines, voire pire, est radical. Sans oublier les émanations vigoureuses, les puanteurs fâcheuses, messagères pourtant d’authentiques réminiscences.

L’évocation d’arômes singuliers ou insupportables a un effet déclencheur sur les souvenirs d’enfance

Autant pour les effluences les plus vertigineuses que pour celles qui rebutent, la mémoire de certaines odeurs aura un effet levier, ordures, déchets, relents de moisi, bouffées rances. De même que le sera le rappel des parfums si mystérieux de la peau ou de chevelures adorées ou qu’on a exécré. Jusqu’au bonheur fou, jusqu’au déplaisir, se souvenir de ces senteurs s’échappant du couloir d’une mère, du corsage d’une jeune tante, des exhalaisons particulières de la gelée de coings, des abricots brûlants cueillis l’été au verger d’un aïeul chéri ou abhorré. C’est infini et très agissant.

Les cycles de la mémoire

La mémoire fait intervenir des structures cérébrales précises reliées entre elles et situées à la face interne des hémisphères. Mais du point de vue de l’écho-psychologique, on considère que la folle chasse aux retours en arrière comporte trois phases: la mémorisation ou fixation de l’information, puis le stockage et enfin la restitution de la dite information. Là où ce rétablissement opère un tri dans le matériel qui doit être fixé. Les souvenirs gardant l’empreinte de l’engramme (trace organique qui constituerait le support physique de la mémoire).

Nourrir l’Empreinte

Pour alimenter la mémoire hors de la table de travail, il est nécessaire aussi de hanter les salons de thé à l’ancienne, les bibliothèques cacochymes, les jardins après la pluie, les librairies talentueuses ou les brûleries de café. Et de parcourir à nouveau Le Parfum de Patrick Süskind, étourdissant, indémodable. Puis de humer une fois encore Zola, les pages de Nana, quelques-unes de Gervaise avec l’incroyable scène de repas dans la blanchisserie ou de L ‘Assommoir pour les relents d’alcool. Et bien entendu des passages de Proust pour La Madeleine. Dans La Madeleine il y a aussi le Toucher, alors ne pas oublier le tout petit qui est toujours présent en nous, en laissant aller l’émotivité première:

«Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause… J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie? Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité…». Marcel Proust, Du Côté de chez Swann, 1913.

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