Psychologie

Persuasion, Manipulation : processus et fonctionnements persuasifs

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Changement d’attitude, de comportement, de pensée, via un message… La persuasion et l’influence ont fait l’objet de nombreuses études dans le but d’en percer les secrets, d’en analyser les processus, d’en optimiser l’efficacité. Persuader, comment ? Qui ? et dans quels buts ? Quelles sont les astuces et les limites à en connaitre? Ce dossier comportera plusieurs articles à venir, avec pour ambition la description des mécanismes de persuasion, des situations dans lesquelles elle s’exerce… et les moyens de la reconnaitre et de s’en protéger !
Une situation de persuasion est un des cas particuliers de la communication, et la communication s’établit selon un schéma simple : un émetteur envoie un message via un canal, ce message est reçu par le récepteur. Dans le cas de la persuasion, cela se traduit par la présence d’une source d’influence d’un message porteur de sens, et d’un récepteur influençable. Il y a donc trois possibilités d’étude de la persuasion.
Un bref rappel avant de se lancer dans ce dossier sera disponible prochainement.

1. Première série d’études : les caractéristiques de la source d’influence

1.1 La source émettrice présente des qualités principales de persuasion : la compétence et la sincérité, regroupées sous le nom de crédibilité.

Hovland et Weiss (1951) ont démontré le rôle de la crédibilité dans la persuasion, par une expérience simple et intuitive. Ils présentaient à des étudiants d’histoire, quatre textes. Chacun de ces quatre textes était en fait construit en deux exemplaires. L’un, signé par un expert du domaine (un journaliste masculin d’un journal très sérieux, une expert du domaine concerné, etc..), l’autre, signé par une source jugée compétente (journaliste féminine d’un bottin mondain, etc). Chaque étudiant ne recevait que l’une des versions des textes, qui mis à part la signature, se ressemblaient en tout point!
Les auteurs mesuraient par une échelle d’attitude, l’opinion globale des étudiants sur quatre sujets auxquels se référaient les quatre textes, une fois avant de les avoir lu, puis une fois après.

Les quatre sujets étaient :

  • la politique internationale de l’époque
  • la sidérurgie
  • les médias

Résultats

Les résultats s’expriment en pourcentage net de changement d’attitude : autrement dit, on mesure le nombre de sujets modifiant leurs attitudes dans le sens de la source, auxquels on soustrait le nombre de sujets modifiant leurs attitudes dans le sens opposé à celui de la source. On multiplie le résultat par 100 pour avoir le pourcentage :

Les résultats étaient clairs et nets : on observait 22.5 % de changement d’attitude lorsque le texte présenté était signé par l’expert. le même texte signé par les journalistes probablement jugés incompétents dans ce domaine n’entraînait que 8.4% de changement.

Dans le domaine de la santé les résultats étaient assez flagrants : de 25.5 % de changement d’attitude quand le journaliste est jugé expert, contre 11.1 % seulement dans l’autre cas. De même concernant la sidérurgie : 18.2% avec l’expert et 7.4 pour le journaliste jugé peu crédible.

Concernant la politique, les résultats étaient cette fois carrément stricts : 36 % de changement d’attitude avec une signature d’experts, contre 0 %, toujours pour le même texte, mais signé par la journaliste jugée peu compétente.

La tendance était par contre inversée concernant les médias : 13 % de changement d’attitude lorsque le journaliste était censé être expert, 17 % quand la signature provenait de la journaliste.

Pas crédible, on s’en moque?

Dans le cas des médias, les auteurs pensaient alors que cette tendance est due à un effet d’attractivité de la source. Le charisme et les propriétés personnelles du journalistes jouent effectivement sur les résultats!
On pouvait s’en douter, une source jugée crédible a bien plus de chance d’avoir un impact sur notre attitude et nos opinions, et ce, indépendamment de la qualité du raisonnement ou de l’argumentaire construit. Ainsi jouent par exemple les professionnels, ou ceux qui les emploient, pour donner du poids à leurs écrits de leur signature : « Mr Truc, expert, docteur, diplômé, etc… » fait toujours bon effet en bas d’un texte. Si l’on y regarde par deux fois, tout bon auteur ou éditeur ajoute des signatures lorsqu’il sait que celle-ci marquera la crédibilité de l’article. Par ailleurs, si dans la plupart des cas, cette signature et l’effet qui en résulte est légitime, ce n’est pas toujours vrai, on s’en doute… Comment dès lors se renseigner sur la validité d’une source et faire fi de sa crédibilité pour se rapprocher au maximum de l’information vraie?

Un peu de méfiance, un peu de recherche… et un soupçon de psychologie sociale!

Simplement en multipliant les sources, en les vérifiant quand on a accès à de l’information relayée, en relativisant le pouvoir de l’expert sans pour autant lui enlever sa légitime importance. Certaines méthodes comme l’analyse de discours permettent de cerner un peu mieux la réelle crédibilité d’une source : l’objectivité peut ainsi se reconnaitre par l’usage dans un même texte d’une logique appropriée, d’arguments clairement établis, d’une forme de communication qui se veut à la fois souple et efficace, citant ses sources dans un contexte communicatif invitant le lecteur à vérifier lui même l’information présentée.
Du point de vue de la structure du texte lui même, l’analyse de discours nous apprend beaucoup sur des signes qui révèlent l’intention de l’auteur : par exemple, les verbes fictifs (« cela se passe ainsi », « telle chose est comme ça », etc…) révèlent que l’auteur souhaite visiblement imposer un point de vue. Ce genre de discours est notamment fréquent chez les extrémistes de tous bords, qui énoncent des « vérités de faits » (selon eux). Un discours plus souple comportera beaucoup plus de référence à soi (position personnelle et non vérité de fait), de modalisation de possibilités (il est possible que…, peut être est-ce ainsi…, etc), des mots et des expressions qui renvoient à une confrontation de points de vue ou a une hésitation, une modération de l’information apportée (« certains diront… mais d’autres… », « d’une part, … d’autre part… »).

Source : Hovland, CI, & Weiss, W. (1951). The influence of source credibility on communication effectiveness. Public Opinion Quarterly 15, 635-650

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