Psychologie

Les caractères et la caractérologie

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Les caractères

En psychologie, la notion de caractère est assez mal circonscrite, car elle fait appel à une quantité beaucoup trop étendue de traits distinctifs. Elle se rapporte en fait à l’ensemble des tendances psychologiques, affectives et morales qui constituent, avec l’intelligence, une des bases de la personnalité et permettent de différencier les individus. Certains auteurs ont groupé les traits distinctifs en grandes catégories psychologiques, sur lesquelles se fonde la caractérologie. La typologie établie par Heymans et Wiersma (et introduite en France par Le Senne) est la plus couramment utilisée; elle s’appuie sur l’analyse du comportement et l’observation des attitudes du sujet face au monde extérieur, selon trois critères principaux — l’émotivité, l’activité et le retentissement (primaire ou secondaire) —, qui permettent d’établir huit grands types de caractères: amorphe (non émotif, non actif, primaire); apathique (non émotif, non actif, secondaire); nerveux (émotif, non actif, primaire); sentimental (émotif, non actif, secondaire); sanguin (non émotif, actif, primaire); flegmatique (non émotif, actif, secondaire); colérique (émotif, actif, primaire); passionné (émotif, actif, secondaire).

La caractérologie

La caractérologie est la partie de la psychologie qui a pour objet l’étude scientifique du caractère, c’est-à-dire de l’ensemble des dispositions congénitales dans les manières d’agir, de sentir, de penser qui distinguent une personne d’une autre.

La caractérologie s’est développée à l’époque contemporaine, à la fois en corrélation avec les progrès de la psychologie générale, de la physiologie, de la psychopathologie et sous la pression de nécessités pratiques dans des domaines aussi divers que ceux de la pédagogie, de l’orientation professionnelle, de la médecine psychosomatique, etc. L’extrême richesse et la complexité des facteurs qui entrent en jeu expliquent le très grand nombre de classifications caractérologiques dont on dispose à l’heure actuelle, et qui ne s’excluent d’ailleurs pas obligatoirement les unes les autres. On peut les ranger très schématiquement en deux groupes, les typologies somatiques et les typologies psychologiques.

Les typologies somatiques

Les typologies somatiques partent de l’étude du corps humain, de sa forme, du rapport de ses différentes parties (morphologie) ou de certaines de ses fonctions (respiration, digestion, équilibre neurovégétatif, réactions nerveuses, etc.). Elles étonnent au premier abord car elles semblent établir un rapport de cause à effet entre tel aspect physique et tel trait de caractère. En réalité, leur postulat est que la morphologie ou la physiologie, d’une part, le caractère, d’autre part, relèvent des mêmes causes profondes, si bien qu’il est possible d’établir une corrélation entre les traits des unes et les traits de l’autre.

La plus ancienne de ces typologies est la célèbre classification d’Hippocrate fondée sur la théorie des humeurs et qui distingue quatre types fondamentaux: le bilieux, le lymphatique, le sanguin et le nerveux, en décrivant leurs caractéristiques corporelles. Elle connaît de nos jours un regain d’actualité avec l’école pavlovienne, qui retrouve les mêmes types en partant de l’étude de l’activité nerveuse. À l’époque actuelle, les tentatives se sont extrêmement diversifiées. On part tantôt de la prédominance de tel ou tel appareil organique pour distinguer les types musculaire, respiratoire, digestif, cérébral (Sigaud et Mac Auliffe); tantôt de l’opposition entre le système végétatif (les viscères) et le système de relation (muscles et nerfs) [Viola]; ou bien de la prédominance des dimensions horizontales, des dimensions en longueur, de l’importance du squelette et des muscles (Kretschmer); ou enfin de l’analyse factorielle opérant à partir de nombreuses mesures somatiques et démontrant la corrélation entre elles et certains tempéraments (Sheldon).

Les typologies psychologiques

Les typologies psychologiques partent, elles, de certains traits généraux de caractère découverts par l’observation normale ou clinique de nombreux sujets, et les combinent entre eux de manière à obtenir une série de formules caractérielles pures, en nombre limité, à partir desquelles on pourra analyser des types intermédiaires ou mixtes. Le diagnostic caractériel, qui s’établissait, dans les typologies somatiques, à partir de mesures ou d’observations médicales, a recours dans les typologies psychologiques aux tests, qui sont de plus en plus utilisés, ou bien aux questionnaires. La plus célèbre est la caractérologie de Heymans et de Wiersma. Selon cette méthode (qu’ont fait connaître en France les travaux de Le Senne et de Berger), on analysera les trois traits fondamentaux dégagés par l’étude statistique des réponses au questionnaire. L’émotivité (E) est l’aptitude d’un sujet à être ébranlé, dans le champ de ses intérêts, par des événements dont l’importance est relativement faible. L’émotif est impulsif, mobile, changeant, fervent jusqu’à la violence. L’émotivité a, bien entendu, des degrés et l’on est convenu de désigner sous ce terme le sujet qui obtient une note supérieure à 5 dans une échelle de corrélations de l’émotivité allant de 0 à 10. L’activité (A) se manifeste surtout par la réaction à l’obstacle: celui-ci conduit-il le sujet à renforcer l’énergie de son action? On a affaire à un actif. Tandis que l’inactif (nA) est vite découragé, mélancolique, compassé, l’actif est gai, vif, indépendant, adroit, ponctuel, s’acquittant immédiatement de ses tâches. Le retentissement des représentations situe le sujet par rapport au temps. Vit-il dans le présent, est-il impulsif, changeant dans ses affections ou ses activités, vite consolé, vite réconcilié, agit-il en vue de fins immédiates? Le sujet est dit primaire (P). Est-il au contraire longtemps sous le poids d’une impression, rancunier, homme d’habitudes, de principes, attaché à ses souvenirs et à ses amitiés, agissant à long terme? Il sera dit secondaire (S). Il est facile de voir que ces traits réagissent les uns sur les autres; l’émotivité, par exemple, renforce l’activité, tandis que la non-émotivité la freine. D’où l’intérêt de l’étude que présentent les combinaisons, au nombre de huit, de ces trois traits entre eux, chacun définissant un type de caractère.

 

Les huit types fondamentaux

Chez le nerveux, l’émotivité renforce la primarité, l’inactivité l’empêche de se tourner vers les choses, mais pas vers l’intimité personnelle vécue sur le plan de la qualité des émotions, du rêve ou de la passion. C’est une formule propice à l’activité poétique. Chez le sentimental, l’émotivité, freinée par la non-activité, se trouve prolongée par la secondarité. Le sentimental aime la solitude, la méditation, la vie intérieure. Chez le colérique, l’émotivité avive l’activité, et la primarité le concentre sur l’instant présent. Le colérique est enthousiaste, jovial, vif, sociable, excessif. Le passionné introduit, grâce à sa secondarité, systématisation et cohérence dans la fougue du colérique. Sa vie est intense, ses sentiments profonds, ses œuvres puissantes. Le sanguin ressemble au colérique, mais son manque d’émotivité l’amène à se tourner exclusivement vers l’extérieur. Actif, objectif, l’esprit clair et pratique, souvent brillant, il agit rapidement, a le sens des hommes et le goût de l’activité physique. Une activité prolongée et systématisée par la secondarité, jamais troublée par l’émotivité, caractérise le flegmatique. Froid, pondéré, ponctuel, sobre, d’humeur égale, c’est un homme de principes, capable de se consacrer à des œuvres de longue haleine. Il y a peu à dire, en revanche, sur l’amorphe, jouet des événements, étranger aux passions, et sur l’apathique, fermé, sans vie intérieure.

Ces types principaux, très sommairement esquissés d’après la description de Le Senne, sont des types purs. Ils constituent une grille à l’intérieur de laquelle on peut définir des types intermédiaires selon que telle propriété se trouvera renforcée ou diminuée.

La connaissance que l’on prend de son caractère permet par ailleurs, dans une mesure limitée, de le transformer. On développera la secondarité, par exemple, en s’appuyant sur l’éducation de l’habitude. C’est dire que le caractère, tout en étant une réalité psychologique, n’a rien d’une fatalité.

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