Médecins et chercheurs savent depuis longtemps qu’une alimentation riche en fibres protège l’organisme de l’obésité et du diabète. Ils restaient cependant à élucider le mécanisme sous-jacent. Une équipe de chercheurs franco-suédoise vient d’y parvenir en montrant le rôle prépondérant de la flore intestinale et la capacité de l’intestin à produire du glucose entre les repas. Ces résultats précisent en outre le rôle de l’intestin et de ses microorganismes associés dans le maintien de la glycémie.
La plupart des fruits sucrés et de nombreux légumes tels que les salsifis, les choux ou les fèves, sont riches en fibres dites fermentescibles. Celles-ci ne sont pas directement digestibles par l’intestin, mais elles sont fermentées par les bactéries intestinales en acides gras à courte chaîne comme le propionate et le butyrate qui, eux, sont assimilables par notre organisme. L’effet protecteur de ces fibres est bien connu des chercheurs : des animaux recevant une alimentation riche en fibres grossissent moins et sont moins enclins à développer un diabète que des animaux qui n’en consomment pas. Néanmoins, le mécanisme à l’origine de cet effet restait mystérieux.
Les chercheurs ont étudié une éventuelle corrélation de cet effet protecteur avec la capacité de l’intestin à produire du glucose. L’intestin est en effet capable de synthétiser ce sucre et de le libérer dans le sang entre les repas et au cours de la nuit. Or, ce glucose possède des vertus particulières : il est détecté par le système nerveux présent dans les parois de la veine porte (celle qui collecte le sang provenant de l’intestin), qui à son tour envoie un signal nerveux au cerveau. En réponse, le cerveau déclenche un faisceau d’effets protecteurs face au diabète et à l’obésité : la sensation de faim diminue, la dépense énergétique de repos augmente, et enfin, le foie produit moins de glucose.
Afin d’établir le lien entre fibres fermentescibles et production de glucose par l’intestin, les chercheurs ont soumis des rats et des souris à des régimes enrichis en fibres fermentescibles, ou en propionate ou en butyrate. Ils ont alors observé une forte induction de l’expression des gènes et des enzymes de la synthèse du glucose dans l’intestin. Ils ont montré que l’intestin de ces animaux augmentait sa production de glucose en utilisant le propionate comme précurseur. Alimentées avec un régime riche en graisse et en sucres, mais supplémenté en fibres, les souris ont moins grossi que les animaux témoins. Elles ont aussi été protégées du développement du diabète grâce à une sensibilité très augmentée à l’insuline.
Les chercheurs ont répété l’expérience avec des souris dont on a supprimé, par manipulation génétique, la capacité de leur intestin à produire du glucose. Aucun effet protecteur n’a été alors observé : ces souris ont grossi et sont devenues diabétiques comme les souris alimentées sans apports en fibre. C’est donc bien la production de glucose par l’intestin à partir du propionate et du butyrate qui est à l’origine des effets positifs sur l’organisme des fibres fermentescibles.
Outre ce mécanisme inédit, ces travaux mettent en lumière le rôle de la flore intestinale qui, en fermentant les fibres alimentaires, offre à l’intestin les précurseurs pour produire du glucose. Ils établissent par ailleurs l’importance de l’intestin dans la régulation du glucose dans l’organisme. Les résultats ont été détaillés dans la prestigieuse revue Cell le 9 janvier 2014. Enfin, ils devraient permettre de proposer de nouvelles recommandations nutritionnelles ou encore, de mettre en évidence de nouvelles cibles thérapeutiques pour prévenir ou soigner le diabète et l’obésité.
Notes et références
Une équipe franco-suédoise menée par Gilles Mithieux, chercheur CNRS à l’unité « Nutrition et cerveau » (Inserm / Université Claude Bernard Lyon 1). [↑]
Microbiota-generated metabolites promote metabolic benefits via gut-brain neural circuits.
Filipe De Vadder, Petia Kovatcheva-Datchary, Daisy Goncalves, Jennifer Vinera, Carine Zitoun, Adeline Duchampt, Fredrik Bäckhed, Gilles Mithieux.
Cell. [↑]
Source: cnrs [↑]