Oui, oui, vous connaissez tous le refrain de la « positive attitude ». Mais que savez-vous de la « psychologie positive » ? Christophe André, psychiatre de renommée et apôtre du genre, nous en parle dans son dernier livre, « Et n’oublie pas d’être heureux » (éd. Odile Jacob). Tout est dit !
“ Il ne suffit pas de connaître ces principes simples, mais de les pratiquer ”
Qu’est-ce que le bonheur ? La question est si vaste et essentielle que les philosophes n’auront eu de cesse de s’y confronter tout au long des siècles. Mais en psychiatrie, son étude a pris un tout autre tournant il y a environ deux décennies, dans un mouvement conjoint avec celui de la médecine occidentale. Jusqu’alors, celle-ci se concentrait avant tout sur la guérison, bien plus que sur la prévention. Ce second volet a rapidement fait sens en psychiatrie puisque la majorité des souffrances psychologiques, comme l’anxiété, la dépression ou le stress, ont sérieusement tendance à récidiver si on ne les traite pas en amont. C’est ainsi qu’est née la psychologie positive : sur quels facteurs pouvons-nous jouer pour développer ce qui va le mieux chez nous ?
Se servir de l’adversité pour changer
Bien entendu, il ne s’agit pas de « positiver » à tout bout de champ. Comme l’explique Christophe André, parfois, la colère ou la tristesse sont les réactions les plus adéquates à des événements qui se passent dans notre vie, et nous permettent de trouver des solutions. Accepter ses émotions négatives est essentiel, pour autant, pas question de les alimenter après avoir tenté de comprendre d’où elles venaient et si elles pouvaient se résorber. Des études montrent qu’un sujet globalement heureux éprouve environ trois quarts d’émotions positives contre un quart d’émotions négatives. L’adversité fait partie de la vie, et elle peut même nous ouvrir les portes de la pleine conscience. Comme le bonheur, elle nous ancre dans le réel. Mais attention, certaines portes ne restent pas longtemps ouvertes, et il ne faut pas tarder à changer notre vie quand des événements nous ouvrent les yeux sur certaines choses, avance le psychiatre. Ceci étant dit, quand il n’y a pas de raisons de bouder, ouvrons la porte au bonheur.
Augmenter notre aptitude au bonheur
S’il peut sembler un peu louche de donner un mode d’emploi pour accéder au bonheur, pour Christophe André, pas question de se laisser bercer par le concept de « bonheur subjectif ». Selon lui, nous sommes tous en mesure d’augmenter notre aptitude au bonheur. C’est plutôt une bonne nouvelle, non ? Dans cette quête, on retrouve deux grands pans de recherche : la dimension hédonique liée à la fréquence des émotions agréables (admiration, joie, affection…), et la dimension eudémonique avec le sentiment que notre vie a du sens, que l’on accomplit des choses qui sont en adéquation avec nos valeurs. C’est pourquoi aider les autres et faire le bien autour de soi représentent une source de bonheur.
« La douceur envers soi n’est pas de la mollesse »
Aujourd’hui, dans un contexte d’incertitudes et de crise, dans une société où la compétition s’invite partout, nous avons besoin de trouver des réponses à ces frottements permanents au stress. C’est ainsi que les ouvrages de développement personnel ou encore les activités centrées sur le bien-être connaissent un formidable essor. Et c’est tant mieux ! « La douceur envers soi n’est pas de la mollesse », nous explique Christophe André, de passage à Lyon dans la librairie Decitre pour une séance de dédicaces.
Lien social et ennui
Le chemin vers le bonheur est pavé d’efforts, non seulement intellectuels, mais aussi physiques. « Il ne suffit pas de connaître ces principes finalement simples qui parlent à tous, mais de les pratiquer », répète le psychiatre. Au sein du volet intellectuel, de nombreuses études rappellent l’importance du lien social : couple, famille, mais aussi amis, collègues… Récemment, d’éminents spécialistes ont aussi insisté sur la nécessité de (ré)apprendre à nous ennuyer, car l’ennui nourrit l’introspection, le rêve et la créativité. Ultra-stimulés par le flot d’informations que nous recevons sur notre smartphone, amusés par des divertissements parfaitement pensés par la télévision, nous ne prenons plus le temps d’être au monde, de sentir tout simplement la vie couler en nous. « Le métro est un très bon exemple, illustre Christophe André. Nous arrivons et ne prenons même pas trente secondes pour regarder ce qu’il se passe autour de nous : les visages, les conversations… trop occupés que nous sommes à lire nos mails ou à écouter de la musique ».
Sport, nature et alimentation
D’un point de vue physique, d’autres études montrent l’importance du sport, de l’alimentation et du contact avec la nature. Il a ainsi été prouvé que marcher deux heures dans la forêt augmentait notre immunité. On sait aussi que le sport accroît notre bonne humeur et notre capacité à résister aux événements stressants, notamment grâce à la production d’hormones comme la dopamine. Tous ces résultats ne sont donc pas de folles prédications, mais ont bel et bien été vérifiés par des questionnaires et par les apports de la neuro-imagerie. On sait par exemple que lorsque l’on est heureux, l’activité dans le cortex préfrontal gauche augmente.
Enfin, l’alimentation est un nouveau champ d’études formidable pour la science. Si l’on manque encore de données, le psychiatre avance que ce qui est bon pour notre corps a tendance à l’être aussi pour notre psychisme. Ainsi, à la viande rouge et aux sucres, il s’agit de préférer une alimentation riche en fruits et légumes, sans oublier les lipides, essentiels au bon fonctionnement du cerveau. Mais attention, là encore, les huiles d’origine végétale sont considérées comme meilleures. Aussi, il a été prouvé que les sucres rapides augmentent l’agressivité et l’impulsivité, et favorisent le cancer et le déséquilibre cérébral. En fait, si l’on prend un peu de recul, ces conseils font écho à nos besoins animaux. Inutile de dire que les bêtes préfèrent gambader en plein air et manger de tout plutôt que d’être enfermées.
Le bonheur doit être savouré et conscientisé
On convoque volontiers la satisfaction des désirs à la table du bonheur. Un bon repas, une super soirée avec des copains, une partie de jambes en l’air… Mais le plaisir et le bien-être ne sont qu’un marchepied pour le bonheur, selon le psychiatre. Le bonheur doit avant tout être savouré pour être ressenti, et il doit être conscientisé. « Savourer, c’est s’arrêter, se rendre présent. Dans une soirée, c’est se retirer quelques secondes et prendre un temps intérieur. En voiture, c’est se garer quelques minutes pour contempler un paysage magique », illustre le psychiatre. C’est ainsi que ces moments de bonheur s’impriment dans notre mémoire. Une étude démontre par exemple que les personnes qui ont pris des photos lors d’un événement ont un souvenir moins heureux que celles qui ont vécu l’instant à fond. Bien entendu, tout est question de mesure et d’équilibre ! Dans tous les cas, ce point fait écho à la Mindfulness, qui se développe de plus en plus dans les pays anglo-saxons, mais aussi en France. Cette « méditation de la pleine conscience » a pour but de nous ancrer à 100% dans le présent et dans notre ressenti.
Quelques conseils pratiques
– Le soir, songez à trois moments agréables qui vous sont arrivés dans la journée. Si vous n’y parvenez pas, peut-être est-ce parce que vous voyez trop grand. Baissez votre seuil d’exigence et vous multiplierez les opportunités d’être heureux.
– Souriez dès que vous n’avez pas de soucis majeurs
– Notez des exemples de gratitude. C’est-à-dire rappelez-vous que la plupart des bons moments que vous passez, vous les devez en partie à quelqu’un d’autre. Au réalisateur du film, au jardinier, à la pâtissière… On perçoit souvent le bonheur comme quelque chose d’autocentré, ce qu’il n’est pas.
– Diminuez votre consommation d’écrans en tous genres, faites votre footing sans musique. Bref, privilégiez tout ce qui vous rapproche de la vie réelle.
Et maintenant, action !